Dans le paysage actuel de la nutrition, où les informations abondent, il est facile de se sentir submergé par des avertissements alarmistes concernant certains composés alimentaires. Récemment, les oxalates, des substances naturellement présentes dans de nombreux légumes et autres aliments sains, ont été sous les feux des projecteurs. Des publications, notamment le livre "Toxic Superfoods" de Sally K. Norton, ont semé l'inquiétude au sein de nos communautés soucieuses de leur bien-être, suggérant que ces composés pourraient être à l'origine d'une multitude de maux.1
Cet article vise à apporter une perspective claire et scientifiquement fondée sur les oxalates, en distinguant les faits avérés des spéculations infondées. L'objectif est de rassurer en fournissant des informations précises sur l'impact réel des oxalates sur la santé. Plus important encore, il sera démontré comment des méthodes de préparation alimentaire traditionnelles et accessibles, telles que la germination des graines et la lacto-fermentation des légumes, peuvent non seulement aider à gérer la teneur en oxalates, mais aussi libérer un éventail de bienfaits nutritionnels supplémentaires pour une vitalité accrue.
Oxalates : Comprendre ce qu'ils sont et d'où ils viennent
L'acide oxalique, ou oxalate, est un composé organique naturellement présent dans le règne végétal, où il joue plusieurs rôles biologiques essentiels pour les plantes, notamment la protection contre les insectes, le stockage du calcium et le soutien structurel.2 Dans les plantes, l'oxalate se lie souvent aux minéraux pour former de minuscules cristaux, le plus souvent de l'oxalate de calcium, qui peuvent prendre diverses formes.2
Sources alimentaires courantes et production endogène
De nombreux aliments courants et par ailleurs très sains contiennent des oxalates. Parmi les aliments particulièrement riches en oxalates, on trouve les épinards (jusqu'à 750 mg/100g), la rhubarbe (environ 500 mg/100g), le cacao et le chocolat noir, les betteraves (environ 600 mg/100g), les amandes (environ 400 mg/100g), le son de blé (environ 700 mg/100g) et les pommes de terre.2 À l'inverse, de nombreux légumes sont faibles en oxalates, comme la roquette, l'avocat, le chou, le chou-fleur, le concombre, l'ail, la laitue, les champignons, les oignons et les poivrons.2
Il est essentiel de comprendre que le corps humain produit également des oxalates de manière naturelle, en tant que sous-produit métabolique, principalement dans le foie.9 Cette production endogène peut représenter une part très significative de l'oxalate éliminé dans l'urine, allant jusqu'à 90% selon certaines études.10 La vitamine C, lors de sa métabolisation, peut être convertie en oxalate, et il a été observé que des doses élevées de suppléments de vitamine C peuvent augmenter les niveaux d'oxalate endogène.1 Il est important de distinguer cette observation des niveaux de vitamine C naturellement présents dans les aliments entiers, qui sont bénéfiques et ne posent généralement pas de problème. Cette capacité du corps à produire lui-même des oxalates nuance considérablement l'idée que les oxalates alimentaires seraient la seule ou principale source de "toxicité", car même une alimentation totalement exempte d'oxalates ne les éliminerait pas entièrement du corps.
Pour offrir une vue d'ensemble rapide, le tableau suivant présente la teneur en oxalates de certains aliments courants :
Tableau 1 : Teneur en oxalates de quelques aliments courants
Aliment (pour 100g, sauf indication) | Teneur en Oxalates (mg) | Niveau d'Oxalate |
Épinards (crus) | 291 - 750 | Très Élevé |
Son de blé | 700 | Très Élevé |
Betteraves (bouillies, ½ tasse) | 574 | Très Élevé |
Rhubarbe (½ tasse) | 541 | Très Élevé |
Haricots verts (crus, 1 tasse) | 360 | Très Élevé |
Chou suisse | 350 | Très Élevé |
Farine de sarrasin | 323 | Très Élevé |
Choux de Bruxelles (crus, 1 tasse) | 317 | Très Élevé |
Carottes (crues, ½ tasse) | 305 | Très Élevé |
Germe de blé | 304 | Très Élevé |
Riz brun (son) | 281 | Très Élevé |
Yaourt de soja (1 tasse) | 257 | Très Élevé |
Tofu (3 oz) | 231 | Très Élevé |
Pommes de terre (avec peau) | 92 - 200 | Élevé |
Chocolat noir | 150 - 200 | Élevé |
Amandes | 122 - 400 | Élevé |
Noix de cajou | 64 | Modéré |
Patate douce (½ tasse) | 54 | Modéré |
Quinoa (cuit, 1 tasse) | 54 | Modéré |
Thé noir (par tasse) | 15 - 50 | Modéré |
Avocat | Faible | Faible |
Chou | Faible | Faible |
Concombre | Faible | Faible |
Ail | Faible | Faible |
Laitue | Faible | Faible |
Champignons | Faible | Faible |
Oignons | Faible | Faible |
Poivron rouge | Faible | Faible |
Petits pois verts | Faible | Faible |
Sources : 2
Démystifier les allégations alarmistes sur les oxalates
Le livre de Sally K. Norton, "Toxic Superfoods", a popularisé l'idée que les oxalates seraient la cause de nombreuses maladies, leur attribuant une longue liste de symptômes non spécifiques tels que les troubles digestifs, les douleurs articulaires, les problèmes cutanés chroniques, le brouillard cérébral, les troubles de l'humeur, et même l'ostéoporose.1 Ces affirmations sont souvent basées sur des expériences personnelles, comme le récit de Mme Norton de ses "miracles personnels" après avoir adopté un régime faible en oxalates pour des douleurs gynécologiques.1
Distinction entre risques avérés et spéculations non fondées
Cependant, un examen critique de la littérature scientifique, notamment par l'Office for Science and Society de l'Université McGill, rejette ces allégations généralisées.1 Pour la grande majorité des individus, l'oxalate alimentaire est inoffensif et est simplement excrété par l'organisme.3 Les recherches actuelles ne confirment pas de lien de causalité entre les oxalates et des affections telles que l'autisme ou les douleurs vaginales chroniques, contrairement à certaines affirmations.12
Une étude a bien identifié un "risque modestement élevé" de maladie cardiovasculaire chez les personnes consommant beaucoup d'oxalate, mais ce risque a entièrement disparu chez celles ayant des niveaux moyens ou élevés de calcium dans leur alimentation.1 Cette observation est d'une importance capitale car elle démontre que les risques potentiels associés aux oxalates peuvent être efficacement atténués par des stratégies diététiques simples, comme un apport suffisant en calcium. Cela transforme le discours de l'évitement total en une approche de gestion alimentaire équilibrée.
Le cas des calculs rénaux : le principal risque documenté
Le seul problème de santé bien documenté et largement reconnu lié aux oxalates est leur rôle dans la formation des calculs rénaux d'oxalate de calcium, qui représentent environ 80 % de tous les calculs rénaux.12 Ce risque concerne principalement les personnes prédisposées, qui ont des difficultés à éliminer l'excès d'oxalate. Les facteurs de risque incluent des prédispositions génétiques, certaines conditions médicales comme les maladies inflammatoires de l'intestin (MII) ou les chirurgies de pontage gastrique, ainsi qu'une hydratation insuffisante.12 Pour la population générale en bonne santé, la consommation d'aliments riches en oxalates dans le cadre d'une alimentation équilibrée ne présente généralement pas de danger.
Les vrais enjeux des oxalates pour la santé
Comprendre les véritables implications des oxalates pour la santé nécessite d'aller au-delà des simplifications excessives et d'examiner les mécanismes complexes en jeu.
Mécanismes de formation des calculs rénaux et facteurs de risque
Les calculs rénaux se forment lorsque l'oxalate se combine avec le calcium dans les voies urinaires, créant des cristaux qui peuvent s'agglomérer. Ce processus est favorisé par des concentrations élevées d'oxalate dans l'urine, un volume urinaire faible (souvent dû à une hydratation insuffisante), et un déséquilibre dans les facteurs qui empêchent la cristallisation.12
D'autres facteurs de risque importants pour la formation de calculs rénaux incluent une alimentation excessivement riche en protéines animales, en sodium ou en sucres ajoutés (comme le sirop de maïs à haute teneur en fructose), l'obésité, ainsi que certaines affections digestives comme les maladies inflammatoires de l'intestin ou les antécédents de chirurgie bariatrique.13
Un élément crucial dans la prévention des calculs rénaux est un apport suffisant en calcium alimentaire. Le calcium a la capacité de se lier à l'oxalate dans l'estomac et les intestins avant qu'il n'atteigne les reins. Cette liaison forme un complexe insoluble qui est ensuite éliminé dans les selles, empêchant ainsi l'oxalate d'être absorbé et de contribuer à la formation de calculs dans les reins.3 Paradoxalement, un régime pauvre en calcium peut augmenter le risque de calculs rénaux, car moins de calcium est disponible pour lier l'oxalate dans le tube digestif, ce qui entraîne une plus grande absorption d'oxalate par le corps. Il est important de privilégier le calcium provenant des aliments plutôt que des suppléments de calcium, car ces derniers peuvent, dans certains cas, augmenter le risque de formation de nouveaux calculs.13
Impact sur l'absorption des minéraux essentiels
Les oxalates sont parfois qualifiés d'"antinutriments" en raison de leur capacité à se lier à des minéraux essentiels tels que le calcium, le fer, le magnésium et le zinc dans le tube digestif, ce qui peut potentiellement réduire leur absorption par l'organisme.12 Cependant, il est important de noter que cet effet n'est pas absolu 12 . Seule une partie des minéraux présents dans les aliments se liera aux oxalates, et l'impact global sur l'état nutritionnel est généralement minime pour la plupart des individus, surtout dans le cadre d'une alimentation diversifiée.
Autres considérations de santé et variabilité individuelle
Des recherches émergentes suggèrent que des régimes très riches en oxalates pourraient avoir un impact sur la santé intestinale, en particulier chez les personnes atteintes de maladies inflammatoires de l'intestin, potentiellement en augmentant l'absorption d'oxalate et en provoquant une toxicité.15 De plus, bien que des concentrations physiologiques d'oxalate dans le plasma n'aient pas d'effets négatifs connus sur le système cardiovasculaire, un déséquilibre de l'homéostasie de l'oxalate (hyperoxalémie) peut avoir des effets indésirables graves sur le système cardiovasculaire dans des conditions spécifiques, comme l'insuffisance rénale chronique.9
Il existe une variabilité significative d'une personne à l'autre dans l'absorption des oxalates, allant de 1% à 20% de la charge d'oxalate soluble ingérée.11 Cette variabilité individuelle souligne pourquoi une approche généralisée et alarmiste est inappropriée. Ce qui peut être un problème pour une personne prédisposée ne l'est pas nécessairement pour une autre. Le corps humain dispose de mécanismes complexes pour maintenir l'équilibre de l'oxalate, impliquant à la fois la production interne, l'absorption intestinale et l'excrétion rénale et fécale.9
Stratégies alimentaires pour une gestion équilibrée des oxalates
Plutôt que d'adopter une approche restrictive et potentiellement carencée, il est préférable de se concentrer sur des stratégies alimentaires qui soutiennent la capacité naturelle du corps à gérer les oxalates.
L'importance d'une alimentation variée et équilibrée
Éviter des groupes alimentaires entiers, en particulier ceux riches en nutriments essentiels comme les légumes verts à feuilles, les légumineuses et les noix, peut entraîner des carences nutritionnelles et des conséquences inattendues pour la santé.1 Une alimentation variée et équilibrée, riche en fruits et légumes diversifiés, est la clé pour une santé optimale.15 Cette approche permet de bénéficier des innombrables avantages des aliments végétaux sans se soucier excessivement de leur teneur en oxalates.
Conseils pratiques pour réduire la teneur en oxalates des aliments
Pour les personnes qui souhaitent réduire leur apport en oxalates, ou celles qui sont prédisposées aux calculs rénaux, plusieurs méthodes de préparation culinaire et habitudes alimentaires peuvent être efficaces :
- La cuisson : Les oxalates sont hydrosolubles, ce qui signifie qu'ils peuvent se dissoudre dans l'eau. La cuisson, en particulier l'ébullition, est une méthode très efficace pour réduire la teneur en oxalates des légumes à haute teneur en oxalates. L'ébullition peut réduire la teneur en oxalate soluble de 30 % à 87 %, tandis que la cuisson à la vapeur est moins efficace (réduction de 5 % à 53 %).3 Il est important de jeter l'eau de cuisson pour éliminer les oxalates qui s'y sont échappés. Par exemple, faire bouillir les épinards peut réduire leur teneur en oxalates de 30 % à 50 %.4
- L'association avec le calcium : Consommer des aliments riches en oxalates avec des aliments riches en calcium est une stratégie très efficace. Le calcium se lie aux oxalates dans le tube digestif, formant un complexe insoluble qui est ensuite excrété, empêchant ainsi l'absorption des oxalates par le corps.1 Cela permet de continuer à profiter des bienfaits des aliments riches en oxalates sans augmenter significativement le risque de calculs rénaux.
- L'hydratation : Boire suffisamment de liquides, principalement de l'eau (environ 10 à 12 tasses par jour), est la mesure la plus importante pour prévenir la formation de calculs rénaux. Une bonne hydratation dilue les substances formant les calculs dans l'urine, rendant leur cristallisation plus difficile.5
- Autres conseils : Limiter une consommation excessive de protéines animales, de sodium et de sucres ajoutés peut également contribuer à réduire le risque de calculs rénaux.13
Le pouvoir de la germination des graines : Un atout nutritionnel et une solution pour les oxalates
La germination est une pratique ancestrale, utilisée depuis plus de 7 000 ans en Chine, en Égypte et en Inde, qui transforme les graines, les légumineuses et les céréales en véritables concentrés de nutriments.24 Ce processus simple, consistant à tremper puis à laisser germer les graines dans un environnement humide, déclenche une explosion d'activités enzymatiques qui améliorent considérablement leur profil nutritionnel.
Un processus ancestral aux bienfaits généraux démultipliés
Les graines germées sont considérées comme un super-aliment en raison de leur densité nutritionnelle exceptionnelle. Elles sont significativement plus riches en vitamines (notamment la vitamine C, les vitamines B comme la thiamine, la riboflavine, la niacine, la biotine, la pyridoxine, et la vitamine K), en minéraux (fer, zinc, magnésium, phosphore, manganèse), en protéines et en fibres alimentaires que leurs homologues non germées.24 Certaines études montrent une augmentation des niveaux de nutriments allant jusqu'à 10 fois plus que dans la plante mature.25 La germination augmente également la teneur en acides aminés essentiels, avec une augmentation de certains acides aminés individuels pouvant atteindre 30%.26
Au-delà de l'augmentation des nutriments, la germination améliore considérablement la digestibilité des aliments. Ce processus décompose les glucides complexes et les protéines, les rendant plus faciles à assimiler par le corps.26 De plus, la germination réduit la quantité d'antinutriments, des composés qui peuvent interférer avec l'absorption des nutriments. Par exemple, elle active l'enzyme phytase, qui dégrade l'acide phytique (un antinutriment courant qui se lie au fer, au zinc, au calcium et au magnésium), améliorant ainsi la biodisponibilité de ces minéraux.18 La germination peut réduire les antinutriments jusqu'à 87%.26 Elle peut également dégrader les lectines et les inhibiteurs de protéase, contribuant à une meilleure santé intestinale et à une réduction des symptômes digestifs comme les ballonnements et les gaz.19
Impact spécifique sur les oxalates : l'activation des enzymes
L'un des avantages les plus pertinents de la germination pour notre discussion est sa capacité à réduire la teneur en oxalates. Ce phénomène est principalement attribué à l'activation d'enzymes spécifiques, telles que l'oxalate oxydase (OXO), qui dégradent directement l'oxalate en dioxyde de carbone et peroxyde d'hydrogène.35 Des études sur le riz paddy germé ont montré une augmentation significative de l'activité de l'OXO, avec une multiplication par 5,8 de cette activité après 3 jours de germination.37
La réduction de la teneur en oxalates par la germination varie selon le type de graine. Des études ont démontré une réduction de plus de 60 % de l'oxalate total dans les graines entières germées.38 Pour le haricot mungo, une réduction maximale de 91 % a été observée après 48 heures de trempage.38 D'autres légumineuses comme le pois chiche et le pois vert ont montré des réductions de 67 % et 62 % respectivement.39 Cette réduction des oxalates, combinée à la dégradation d'autres antinutriments comme l'acide phytique, conduit à une amélioration notable de la biodisponibilité des minéraux essentiels comme le fer et le calcium.14
Exemples de graines à faire germer et leurs avantages spécifiques
Presque toutes les graines, légumineuses et céréales peuvent être germées, chacune offrant un profil nutritionnel unique :
- Lentilles et haricots mungo : Riches en protéines, en fibres et en vitamines B, ils voient leur teneur en oxalates significativement réduite par la germination.26
- Graines de brocoli : Excellente source de sulforaphane, un composé aux puissantes propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires, ainsi que de vitamines C, K et A.26
- Alfalfa : Très populaire, elle est riche en vitamines (A, B, C, D, E, K) et minéraux, et est reconnue pour ses vertus régénérantes et détoxifiantes.25
- Quinoa : Le quinoa germé offre des protéines complètes, des acides aminés essentiels et des vitamines du groupe B, avec une digestibilité améliorée.28
Conseils pratiques pour la germination à la maison
La germination à la maison est un processus simple et économique. Il suffit de tremper les graines pendant quelques heures, puis de les rincer régulièrement (deux à trois fois par jour) dans un bocal ou un germoir, en veillant à un bon drainage pour éviter la stagnation de l'eau et la prolifération bactérienne.25 Une température ambiante est idéale. Il est préférable de ne pas exposer les graines à trop de lumière directe pour éviter un goût amer dû à une production excessive de chlorophylle.25 Les pousses sont prêtes à être consommées crues dans les salades, les sandwichs, ou comme garniture, apportant une touche de fraîcheur, de saveur et de croquant.24
La lacto-fermentation : Un art ancien pour une santé moderne
La lacto-fermentation est une technique de conservation ancestrale, pratiquée dans le monde entier depuis des millénaires, qui ne requiert ni stérilisation ni réfrigération intensive.41 Contrairement à ce que son nom pourrait suggérer, le terme "lacto" ne fait pas référence au lait ou au lactose, mais aux bactéries lactiques (LAB) qui sont les principaux acteurs de ce processus.41 Ces bactéries, naturellement présentes sur les légumes, transforment les sucres en acide lactique dans un environnement anaérobie (privé d'oxygène) et salé.41 C'est cette réaction chimique qui confère aux aliments fermentés leur saveur caractéristique, souvent acidulée et complexe.
Bienfaits pour le microbiote intestinal et l'immunité
L'un des avantages les plus significatifs de la lacto-fermentation réside dans son impact profond sur la santé du microbiote intestinal. Les aliments lacto-fermentés sont une source importante de micro-organismes bénéfiques, souvent appelés probiotiques, qui contribuent à enrichir et à diversifier la flore intestinale.42 Une étude clinique menée par des chercheurs de l'Université de Stanford a montré qu'un régime alimentaire riche en aliments fermentés pendant 10 semaines augmentait la diversité microbienne globale de l'intestin et diminuait les marqueurs moléculaires de l'inflammation, y compris l'interleukine 6.46 Cette augmentation de la diversité microbienne est associée à une meilleure santé globale et à un système immunitaire plus robuste.45
Le rôle des probiotiques est de maintenir un équilibre sain dans l'intestin, de lutter contre les micro-organismes nuisibles, de reconstituer les niveaux de bonnes bactéries, d'améliorer la fonction de la barrière intestinale et de renforcer les cellules immunitaires.45 Un aspect important de l'activité du microbiote intestinal est la production d'acides gras à chaîne courte (AGCC) comme l'acétate, le propionate et le butyrate, qui sont les produits finaux de la fermentation des glucides non digestibles. Ces AGCC sont des molécules de signalisation cruciales entre le microbiote intestinal et l'hôte, jouant un rôle régulateur dans le métabolisme et l'inflammation.47 Il est cependant important de noter que les probiotiques issus des aliments fermentés sont souvent transitoires dans le tube digestif et ne s'implantent pas de manière permanente, ce qui souligne l'intérêt d'une consommation régulière et en petites quantités pour en tirer des bénéfices à long terme.43
Amélioration de la digestibilité et de la biodisponibilité des nutriments
La lacto-fermentation agit comme une "prédigestion" des aliments.43 Les bactéries lactiques hydrolysent les grandes molécules complexes en plus petites, plus faciles à absorber par le corps.49 Cela rend les aliments fermentés plus digestes et peut réduire les composants irritants pour l'intestin, comme les lectines.50 De plus, la fermentation est particulièrement efficace pour détruire ou neutraliser les antinutriments, tels que les phytates et les saponines, qui peuvent autrement entraver l'absorption des minéraux.43
Cette dégradation des antinutriments et la transformation des composés augmentent significativement la biodisponibilité des nutriments essentiels. La lacto-fermentation peut notamment augmenter la concentration de vitamines du groupe B (y compris la précieuse vitamine B12, particulièrement importante pour les régimes végétaliens et végétariens), de vitamine K2, de folate, ainsi que l'absorption de minéraux comme le calcium, le magnésium, le fer et le zinc.43 Les bactéries lactiques peuvent également libérer des protéines, des acides aminés et des antioxydants, enrichissant ainsi le profil nutritionnel des aliments.44
Impact sur les oxalates : l'action des bactéries lactiques
La lacto-fermentation offre également un avantage direct dans la gestion des oxalates. Plusieurs espèces de bactéries lactiques (LAB), telles que Lactobacillus acidophilus et Lactobacillus rhamnosus LbGG, ont démontré leur capacité à dégrader les oxalates.20 Des études ont montré une réduction significative des niveaux d'oxalate dans les aliments fermentés. Par exemple, la fermentation de la farine de taro (cocoyam) a entraîné une réduction de 58 % à 65 % de la teneur en oxalate, selon la durée de la fermentation.53 Pour les betteraves, connues pour leur teneur élevée en oxalates, la fermentation peut réduire leur teneur jusqu'à 70 %.50 Il a même été observé que L. acidophilus pouvait dégrader 48 % des oxalates dans un fluide gastrique préparé industriellement.20 La présence de glucose dans le milieu de fermentation peut même favoriser l'utilisation des oxalates par les LAB, suggérant que la matrice alimentaire peut influencer l'efficacité de la réduction.52
Conseils pratiques pour la lacto-fermentation à la maison
La lacto-fermentation est étonnamment simple à réaliser à la maison. La formule de base est : légumes + sel + temps (+ eau si saumure).41 Les étapes clés incluent la découpe des légumes, l'ajout de sel (généralement 2 % du poids des légumes pour un salage à sec, ou une saumure à 2 % de sel), le placement des légumes dans un bocal en limitant leur contact avec l'oxygène, puis la fermentation à température ambiante.41 Le sel est crucial car il inhibe les bactéries indésirables et permet aux bactéries lactiques de se développer. Il ne faut jamais utiliser moins de 1 % de sel.41
Pendant la fermentation, du dioxyde de carbone (CO2) est produit, nécessitant un moyen de dégazer le bocal pour éviter l'accumulation de pression.41 Une fermentation réussie se reconnaît à un goût acidulé et parfois pétillant, une odeur légèrement vinaigrée et une saumure parfois trouble.41 Une fois le goût souhaité atteint, le processus peut être ralenti en plaçant le bocal au réfrigérateur.42 Bien que les aliments fermentés soient des concentrés de bienfaits, leur teneur en sel ou en acide peut les rendre plus adaptés à une consommation en tant que condiments plutôt que plats principaux.50
Le tableau suivant récapitule les impacts de ces deux méthodes :
Tableau 2 : Impact de la germination et de la lacto-fermentation sur la teneur en oxalates et les nutriments
Caractéristique / Méthode | Germination (Graines/Légumineuses) | Lacto-fermentation (Légumes) | |
Réduction des Oxalates | Oui, significative. Activation d'enzymes (ex: oxalate oxydase).37 Réduction >60% pour graines entières.38 Jusqu'à 91% pour haricot mungo.38 Peut être plus faible (11-12%) pour certaines variétés.40 | Oui, significative. Action des bactéries lactiques (LAB).20 Réduction 58-65% pour le taro.53 Jusqu'à 70% pour les betteraves.50 | L. acidophilus.20 |
Augmentation des Vitamines | Vitamine C (jusqu'à 10x) 25, Vitamines B (Thiamine, Riboflavine, Niacine, Biotine, Pyridoxine) 29, Vitamine K (jusqu'à 25x) 29, Vitamine A (Carotène, double) 29, Folate.27 | Vitamine C 44, Vitamines B (y compris B12) 43, Vitamine K2.44 | |
Augmentation des Minéraux / Biodisponibilité | Fer, Zinc, Calcium, Magnésium, Manganèse, Phosphore. Amélioration de la biodisponibilité due à la réduction des antinutriments.18 | Calcium, Magnésium, Fer, Zinc. Amélioration de la biodisponibilité suite à la dégradation des phytates.43 | |
Augmentation des Protéines / Digestibilité | Augmentation de la teneur en protéines (jusqu'à 1.66 mg/100g pour pois d'Angole).30 Protéines plus faciles à digérer, augmentation des acides aminés essentiels (jusqu'à 30%).26 | Amélioration de la digestibilité des protéines, libération d'acides aminés et peptides bioactifs.44 "Prédigestion" des aliments.43 | |
Réduction des Antinutriments (autres) | Acide phytique (jusqu'à 75.65%) 18, Inhibiteurs de trypsine 32, Lectines.19 | Phytates 43, Saponines 44, Cyanure 44, Lectines.50 | |
Impact sur le Microbiote / Digestion | Augmentation des fibres (jusqu'à 226%) 26, agit comme prébiotique.26 Réduit le gluten.26 Moins de ballonnements/gaz.26 | Augmente la diversité microbienne 45, apporte des micro-organismes bénéfiques.45 Production d'AGCC.47 Améliore la fonction de barrière intestinale.45 | |
Autres Bienfaits | Antioxydants (polyphénols, sulforaphane) 26, améliore la santé cardiaque (cholestérol) 26, peut aider à contrôler la glycémie.26 | Antioxydants 44, peut réduire l'inflammation 44, peut aider à la gestion du poids 43, peut influencer la prévention du cancer.43 |
Sources : 20
Conclusion : Vers une alimentation consciente et épanouie
La peur des oxalates, alimentée par des publications sensationnalistes, est en grande partie infondée pour la majorité de la population. Les oxalates sont des composés naturels présents dans de nombreux aliments sains, et le corps humain est doté de mécanismes complexes pour les gérer, produisant même une part significative de ses propres oxalates. Le risque principal et bien documenté est la formation de calculs rénaux d'oxalate de calcium, qui concerne principalement les individus prédisposés et est influencé par une multitude de facteurs au-delà de la simple consommation d'aliments riches en oxalates.
Plutôt que de céder à la peur et d'éliminer des groupes alimentaires entiers, une approche équilibrée et consciente est recommandée. Une bonne hydratation, un apport suffisant en calcium alimentaire (et non en suppléments), et une alimentation variée sont les piliers d'une gestion saine des oxalates.
La germination des graines et la lacto-fermentation des légumes se révèlent être des alliées précieuses dans cette quête d'une alimentation saine et épanouie. Ces méthodes ancestrales ne se contentent pas de réduire la teneur en oxalates et autres antinutriments, elles transforment également les aliments en véritables concentrés de vitalité. Elles augmentent la biodisponibilité des vitamines et minéraux essentiels, améliorent la digestibilité et enrichissent le microbiote intestinal, contribuant ainsi à une meilleure santé digestive, immunitaire et métabolique.
En adoptant ces pratiques, la communauté Biovie peut non seulement dissiper les inquiétudes infondées concernant les oxalates, mais aussi enrichir son alimentation avec des saveurs nouvelles et des bienfaits nutritionnels démultipliés, pour une santé globale et durable. Il est toujours conseillé, pour les personnes ayant des préoccupations spécifiques ou des antécédents médicaux (notamment de calculs rénaux), de consulter un professionnel de la santé ou un diététiste pour des conseils personnalisés.
Questions / Réponses (FAQ)
1- Les oxalates sont-ils dangereux pour la santé de tous ?
Pour la grande majorité des personnes, les oxalates alimentaires sont inoffensifs et sont simplement excrétés par l'organisme. Le corps produit également ses propres oxalates. Le risque principal documenté est la formation de calculs rénaux d'oxalate de calcium chez les individus prédisposés.
2- Comment puis-je réduire la teneur en oxalates de mes aliments ?
La cuisson, en particulier l'ébullition, est très efficace pour réduire les oxalates hydrosolubles dans les légumes. Il est également recommandé d'associer les aliments riches en oxalates avec des sources de calcium alimentaire (produits laitiers, etc.) pour lier les oxalates dans le tube digestif avant leur absorption.
3- La germination des graines réduit-elle les oxalates ?
Oui, la germination active des enzymes comme l'oxalate oxydase qui dégradent les oxalates. Des études montrent une réduction significative de la teneur en oxalates dans les graines germées, souvent de plus de 60%, et jusqu'à 91% pour certaines légumineuses comme le haricot mungo.
4- Quels sont les bienfaits de la lacto-fermentation pour la santé ?
La lacto-fermentation améliore la digestibilité des aliments, augmente la biodisponibilité de nombreux nutriments (vitamines B, K, fer, zinc), et enrichit le microbiote intestinal en micro-organismes bénéfiques. Elle peut également réduire la teneur en oxalates et autres antinutriments.
5- Faut-il complètement éviter les aliments riches en oxalates ?
Non, il n'est généralement pas nécessaire d'éviter complètement les aliments riches en oxalates. Ces aliments sont souvent très nutritifs. Pour la plupart des gens, une alimentation variée et équilibrée, associée à une bonne hydratation et un apport suffisant en calcium, permet de gérer efficacement les oxalates sans restriction excessive.
Références
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